Depuis le début de l’invasion russe en Ukraine, la question de l’OTAN est revenue sur le devant de la scène médiatique alors qu’elle apparaissait il y a peu comme une instance internationale en cours de délitement. Mais en qui consiste exactement cette alliance, et quels sont ses buts ?
La création de l’OTAN, une réponse des Occidentaux à la Guerre froide
En 1946, au sortir de la guerre, le continent européen est séparé en deux blocs par le « rideau de fer ». Le vieux continent est devenu l’enjeu d’une lutte de pouvoir entre les États-Unis et l’URSS. Cette dernière cherche à étendre son influence sur l’Europe.
Face à la menace soviétique, la France, la Belgique, le Luxembourg, les Pays-Bas et le Royaume-Uni signent en mars 1948 le traité de Bruxelles qui crée l’Union occidentale et instaure une défense commune. L’Union s’engage immédiatement dans la négociation d’un traité transatlantique avec les États-Unis, aboutissant le 4 avril 1949 à la signature du traité de Washington. Celui-ci regroupe les USA, le Canada, le Royaume-Uni, la France, la Belgique, le Luxembourg, les Pays-Bas, le Danemark, la Norvège, l’Islande, l’Italie et le Portugal. Il se concrétise par la création de l’OTAN, Organisation du Traité de l’Atlantique Nord.
L’organisation est rapidement rejointe par la Grèce et la Turquie (1952), puis par l’Allemagne en 1955. En réaction, l’URSS et ses alliés créent à leur tour en mai 1955 une alliance militaire, le pacte de Varsovie.
Une alliance militaire et politique pour protéger les valeurs occidentales
L’OTAN a été initialement créée en réponse à la menace de prise de contrôle de l’Europe de l’Ouest par l’URSS. Cependant, elle se base sur des principes généraux qui lui ont permis de perdurer après l’effondrement du bloc soviétique et du rideau de fer au tournant des années 1990. En 2022, L’OTAN compte 30 membres, dont 3 puissances nucléaires : les USA, la France et le Royaume-Uni, et une quarantaine de pays partenaires non membres.
L’organisation se veut avant tout défensive et vise à maintenir une paix durable en Europe. Elle se donne pour objectif de « garantir la liberté et la sécurité de ses membres par des moyens politiques et militaires ». Les 14 articles du Traité de Washington fixent les principes de base que doivent respecter les membres de l’alliance :
- ne pas prendre d’engagements internationaux en contradiction avec le Traité ;
- respecter les principes de la Charte des Nations Unies et un socle de valeurs communes (la démocratie, le respect des libertés individuelles, des droits de l’homme et de l’état de droit) ;
- respecter un pacte de défense mutuelle (article 5) : toute attaque contre l’un des pays membres est considérée comme une attaque contre l’ensemble de l’organisation et implique une réponse militaire commune.
Le système de prise de décision de l’alliance repose sur la base du consensus entre tous les pays membres. Les interventions militaires se font sous la tutelle du commandement intégré de l’OTAN.
L’OTAN face à l’évolution des menaces internationales
Créée dans le contexte de la guerre froide, l’OTAN n’a cependant mené aucune opération militaire avant la chute du bloc soviétique. Ce sont les guerres de Yougoslavie dans les années 1990 qui ont donné lieu aux premières interventions des troupes occidentales sous la bannière de l’Alliance, notamment en Bosnie, en Serbie et au Kosovo.
Les attentats du 11 septembre 2001 ont marqué un tournant dans l’histoire de l’Alliance. Quelques jours plus tard, les USA déclaraient la guerre contre le terrorisme et activaient la clause de défense mutuelle pour la première fois de l’histoire. Pour l’OTAN, l’enjeu était de pouvoir faire face à des menaces diffuses qui n’émanaient pas d’un pays bien défini. Malgré une intervention commune en Afghanistan fin 2001, des dissensions sont rapidement apparues entre les États-Unis et d’autres membres. Ces tensions ont abouti au refus de la France et de l’Allemagne de participer à la guerre d’Irak en 2003.
Les Européens ont formulé de nombreuses critiques à l’égard des États-Unis qui verraient dans l’alliance un outil dont elles peuvent disposer comme elles l’entendent. Fin 2019, le président français Emmanuel Macron déclarait l’OTAN « en état de mort cérébrale ».
Les relations entre l’OTAN et la Russie : la nouvelle guerre froide ?
Après la fin de l’URSS, on a observé un certain rapprochement entre les pays occidentaux et la Russie avec notamment l’Acte fondateur de 1997 qui fixe les contours d’une coopération en vue de maintenir la paix. Cependant, dès 1997, la Russie exprime des inquiétudes face à la volonté de l’OTAN de s’étendre à l’Est. En 2004, elle critique vivement l’intégration à l’alliance des trois pays baltes et de quatre pays d’Europe de l’Est anciens satellites de l’URSS.
Les premières tensions majeures apparaissent en 2008 avec l’intervention militaire de la Russie en Géorgie d’une part et la volonté des Américains d’intégrer la Géorgie et l’Ukraine à l’OTAN d’autre part. Elles vont se renforcer en 2014 avec l’annexion russe de la Crimée et aller en s’intensifiant jusqu’en février 2022 avec l’invasion de l’Ukraine par la Russie. Moscou a clairement affirmé que les velléités expansionnistes de l’OTAN dans son ancienne zone d’influence, qu’elle dénonce depuis plus de deux décennies, sont l’une des causes principales de cette guerre.
Aujourd’hui, la tension est à son comble entre le bloc occidental et Moscou qui, soutenu par la Chine, parle ouvertement du danger d’une troisième guerre mondiale avec l’utilisation de l’arme nucléaire. L’OTAN a pour le moment fait le choix de maintenir une ligne purement défensive, en armant l’Ukraine, mais en refusant toute intervention militaire directe des pays membres.
Le déclenchement de la guerre en Ukraine marque l’entrée dans une ère de recrudescence des tensions internationales. La récente décision de la Finlande et de la Suède de rejoindre l’OTAN en réaction à l’invasion russe représente un nouveau risque d’escalade du conflit et menace encore un peu plus la stabilité européenne. Face à cette situation et aux nouveaux enjeux géostratégiques liés à la raréfaction des ressources et au réchauffement climatique, l’OTAN retrouvera-t-elle un rôle central dans la diplomatie internationale ?