Depuis la fin du mois de janvier 2025, le Mali, le Burkina Faso et le Niger ont officiellement quitté la Communauté économique des États de l’Afrique de l’Ouest (CEDEAO) pour rejoindre la nouvelle Alliance des États du Sahel (AES). Dans la foulée, ces trois pays ont mis en circulation un nouveau passeport, estampillé « AES ». Au Mali, cependant, plusieurs témoignages font état de difficultés pour obtenir des visas, notamment auprès des consulats de pays européens. Tandis que certains voyageurs se voient refuser leur demande, les autorités maliennes affirment avoir rempli toutes les formalités nécessaires pour la reconnaissance du nouveau document.
Un lancement perturbé
Un retraité du ministère malien de la Santé raconte avoir déposé un dossier complet dans un consulat à Bamako pour obtenir un visa Schengen. Malgré la validité de ses pièces justificatives, il est reparti sans l’autorisation de voyager, au motif que son passeport AES n’était pas encore reconnu par la représentation diplomatique.
Du côté de certains consulats européens présents à Bamako, on précise qu’il ne s’agit pas d’un refus de principe : ces nouvelles autorités frontalières affirment simplement ne pas encore disposer des « passeports-témoins ». Autrement dit, ils n’ont pas reçu les spécimens physiques nécessaires pour valider l’authenticité du passeport AES. Une fois ces documents de référence réceptionnés et enregistrés, l’apposition de visas devrait en principe s’effectuer sans difficulté.
Réactions des autorités maliennes
Le gouvernement malien, et plus spécifiquement le ministère de la Sécurité et de la Protection civile, assure avoir déjà envoyé aux missions diplomatiques et consulaires accréditées dans le pays toutes les informations, y compris des spécimens, relatives au nouveau passeport AES. Le ministère admet toutefois que « le mécanisme n’est pas encore totalement huilé » et encourage tous les détenteurs du nouveau titre de voyage rencontrant des problèmes à le saisir officiellement pour résoudre les cas de blocage.
Le ministre de la Sécurité, le général Daoud Aly Mohammedine, avait déjà souligné que le document répondait aux normes de l’Organisation de l’aviation civile internationale (OACI). Les démarches administratives préalables à son introduction auraient été menées à bien, y compris la communication auprès des ambassades et consulats concernés.
De possibles répercussions régionales
Si l’OACI reconnaît effectivement le passeport AES, le déploiement de ce nouveau titre dans la région suscite néanmoins une certaine prudence. Au Sénégal, par exemple, les autorités ont indiqué continuer de reconnaître les anciens passeports CEDEAO, tout en restant dans l’expectative quant au nouveau document malien. De son côté, la CEDEAO maintient la validité des passeports en cours avant la création de l’AES et laisse chaque État libre de statuer sur la reconnaissance du passeport de l’Alliance des États du Sahel.
Pour de nombreux Maliens, ces retards administratifs se traduisent déjà par des contretemps, voire des impossibilités de voyager. Certains se retrouvent dans des situations délicates, comme ceux qui avaient un visa valide sur un ancien passeport CEDEAO perdu ou expiré et qui, une fois le passeport AES en main, ne peuvent faire valoir l’autorisation déjà obtenue.
Entre frustration et espoir de déblocage
À Bamako, la frustration gagne progressivement du terrain, en particulier chez les citoyens devant se rendre à l’étranger pour des raisons médicales, académiques ou professionnelles urgentes. Le manque de clarté entourant la reconnaissance officielle du passeport AES dans de nombreux pays européens ou africains entretient un climat d’incertitude.
Pour l’heure, les consulats concernés suggèrent que la situation devrait se normaliser une fois les spécimens de passeports-témoins correctement enregistrés. Du côté malien, on mise sur une multiplication des échanges diplomatiques et sur un meilleur suivi administratif pour garantir, dans les plus brefs délais, le plein usage de ce nouveau document de voyage. Reste à savoir si les discussions en cours permettront de lever rapidement tous les blocages, afin que les détenteurs du passeport AES puissent enfin circuler sans entrave.